«Je ne veux pas gagner ma vie, je l’ai.» Boris Vian, L'écume des jours

12/22/2013

eine halle dem tanz

die compagnie von toula limnaios ist eine der wenigen in berlin, die eine eigene bühne für proben und vorstellungen hat und hält. es sollte mehr davon geben, auch mit blick auf die situation der sich auflösende compagnie von sasha waltz, die nach letzten angaben all ihre tänzer entlassen musste. die halle tanzbühne berlin scheint etwas décalée, im hinterhof. ganz unscheinbar präsentiert sich der schlichte betonbau, dahinter widmen sich toula limnaios, ihr partner ralf r. ollertz und ihre tänzer dem tanz und seinen emotionen. nach der letzten produktion in diesem jahr "if i was real- eine erste Skizze", hatte ich die gelegenheit toula limnaios auf ihrer bühne zu treffen. camus war auch dort. das gespräch gibt es nach dem klick auf französisch oder hier mit bildern der vorstellung.


Après avoir annoncé la dernière création de Toula Limnaios, if I was real, notre rédactrice Florence Freitag est allée la voir à la Halle Tanzbühne, lieu de résidence permanent de la compagnie depuis maintenant dix ans. Florence s’était préparée aux questions, Camus rodant dans sa tête. Mais voilà, l’art ne se calcule pas, les émotions non plus, surtout quand il y a autant d’associations et de collages. Finalement, les questions ont changées, comme la pièce est en changement, c’est une première esquisse. L’interview se transforme en entrevue sur scène. Les danseurs sont encore en train de s’étirer, un grand voile/écran partage la scène en envers et endroit.

Bonsoir Toula Limnaios et merci pour m’offrir la possibilité de pouvoir parler avec vous après le spectacle. Je me posais beaucoup de questions, mais maintenant que j’ai vu la pièce, tout a changé et je devrai la revoir encore une fois. Il y une mise en abîme des caractères et couches. Surtout par cette fin j’ai l’impression de creuser à l’intérieur des émotions, car je me vois moi-même en tant que spectateur à travers la caméra du danseur.Oui, c’est bien dit. Cette « mise en abîme » était pour moi aussi une expression importante dans le travail sans vraiment le dire vers l’extérieur.

Et une mise en abîme très cinématographique. J’avais souvent l’impression de voir des scènes de films. Par exemple le moment du monologue lorsqu’une des danseuses de l’autre côté du voile dit : « Je suis responsable ». D’où vient ce texte ?Le texte vient du film de Godard, Vivre sa vie avec Anna Karenine. Son rôle est très fort dans ce film et il y a une discussion dans un bar, où elle dit : « Je suis responsable, comme je suis malheureuse », ou alors « un message est un message », tout simplement. Cel reprend le côté positif de Camus.

Oui, je me demandais si c’était un texte de Camus. Je crois que c’est dans le dernier ou l’avant dernier essais de L’Envers et l’Endroit où il dit qu’il faut être « reconnaissant, simple et responsable de ce qui arrive dans la vie ».Pour moi c’était exactement ça. Je connaissais le film et j’ai un peu plus cherché parce que je me rappelais d’une très belle discussion entre Anna Karenine et un client, un homme un peu plus âgé. Ce qu’il lui dit est très vrai : « Inclure le positif et le négatif dans la vie ». Comme Camus l’affirme : « Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre ». Il y a le beau, l’étrange, le cruel.

Au finale, je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi dramatique, mais à un crescendo, du dramatique vers le plus simple ou beau. Mais on est tout le temps très demandé. Au début, comment s’est passé le travail avec les danseurs changeant de vêtements entre eux et revenant au milieu pour danser ? J’avais l’impression que chacun avait une émotion à représenter.Oui, de l’extérieur c’est ça, mais on est parti des improvisations. J’ai demandé de partir d’un thème : « Tu es le directeur, les autres sont tes esclaves et tu peux en faire ce que tu veux ». Dans une des improvisations, Carolina a demandé à trois personnes de se déshabiller. Chacun essaye de donner la couleur de l’autre en fonction de ce qu’il porte. De l’extérieur, on voit que les caractères sont aléatoires : j’aurais pu être toi ou quelqu’un d’autre. Où est la différence ? Haneke demande souvent : « Warum bin ich ich und warum nicht du?« . L’étrangeté vient aussi de l’autre.

Et l’identité aussi. Elle ne se crée que par la différence. L’écran représente pour moi L’Envers et l’Endroit. Bien sur mon regard change avec Camus. J’essais de faire des rapports.Oui, mais je n’ai pas essayé d’illustrer ses cinq essais. Ce n’était pas du tout mon intention. Je me suis plus inspirée de son univers. Et j’ai aussi lu L’Étranger. L’Autre ou l’étranger c’est aussi Moi ou un miroir. Camus, je le prends par rapport à des atmosphères qui m’inspirent. Ce n’est ni littéral, ni vraiment inspiré, c’est juste « angeregt », stimulant. Il est très proche de nous tous, même s’il est le philosophe de l’absurde. Il n’essaye pas d’intellectualiser, comme Sartre. Sartre pour moi c’est aussi très beau, mais ce n’est pas vécu. Camus a vraiment vécu ce qu’il dit.

J’aimerais bien parlé du travail avec les caméras, que j’ai trouvé très intéressant. Vous parliez de réalité et de la question « est-ce que moi c’est toi ? » La caméra renforce ce sentiment. Je ne sais plus ce qui est réel ou pas. Le travail de la caméra était prévu dès le début ?Oui. On voulait absolument une caméra en live. Je voulais montrer les détails, travailler la mise en abîme. On regarde à travers une loupe et ensuite on sort du zoome pour aller au gros plan. Le solo final de Giacomo est l’opposé du début. D’abord ce n’est qu’un détail, un visage. En même temps, j’ai aussi voulu ne pas en faire de trop, d’être assez pure.

Et quand même on est très demandé en tant que spectateur. J’ai repensé au duo avec la pomme. Les deux danseurs essayent de tenir une pomme entre leur deux corps presque nus. Ca fait penser à Adam et Eve bien sûr, à la Genèse de l’homme.C’est marrant, car l’image n’a pas du tout été là au départ. J’ai voulu travailler sur l’espace entre nous. Pour la recherche, les deux danseurs avaient complètement éliminé l’intellectuel et étaient à l’écoute de l’autre. Tout comme pour la chaîne humaine qu’ils forment à un moment. D’abord, ils ont travaillé avec des pierres qu’ils devaient tenir entre leurs corps. Ils étaient limités dans leurs mouvements. Puis, nous les avons enlevées, cherchant des qualités et mouvements qui étaient « fremdartig ». Quand on enlève le contexte, cela devient étrange.

Tout a fait, comme les voix. Elles sont étrangères, retravaillées techniquement, non ?Oui, on les a complètement transformées. La femme a la voix d’un homme et vice versa. Le texte est de Michel Houellebecq et s’appelle Wiedergeburt, (Renaissance). En relisant ce poème, j’ai eu un sentiment étrange. Il y a beaucoup d’images, même si on ne comprend pas tout de suite. Comment créer ce sentiment d’étrangeté avec le danseur ? Ce qui reste est beau et étrange.

Voilà pourquoi il est dur de poser des questions. Il ne faut pas toujours chercher à comprendre. Mais je dois revenir sur Camus. J’ai l’impression qu’en écrivant, il décrit ce qu’il voit instantanément. Est-ce que pour vous c’est aussi une manière de travailler la chorégraphie ? Est-ce que les images se transmettent tout de suite en mouvements ?Cela dépend du contexte et du moment. On travaille avec l’improvisation spontanée, mais j’aime bien prendre du temps et du recul, même si les choses m’inspirent directement. La danse pour moi est plus reliée à la vie dans le sens où tu portes aussi ta vie dans ton corps.

Finalement, en parlant de mouvement ou de changement, cette pièce est une « Skizze », une esquisse, vous allez donc la retravailler et prendre du recul ?Oui, c’est comme ça que je l’ai créée. Je voulais d’abord montrer ce qui m’intéresse. Après, je la laisse se poser pour la retravailler avec distance. Peut-être que je ne vais pas changer beaucoup de choses ou trouver des moments qui me manquent.

Pour finir, pouvez-vous me dire pourquoi vous aviez dit auparavant (Cf. entrevue dans le n° de décembre de BERLIN POCHE !) le titre L’Envers et l’Endroit était plus poétique que « Licht und Schatten » en allemand ?Ce n’est pas que c’est plus poétique, mais en lisant Licht und Schatten, j’ai déjà tellement d’images en tête et on a déjà vu tant de choses à ce sujet. Ca me restreint dans mon imagination. L’Envers et l’Endroit pourraient être moi-même aussi, ma peau peut être à l’envers.

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